les PORTIER - GRAND-LEEZ

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Page d'histoire d’une des anciennes familles de Grand-Leez :

les PORTIER.

En travaillant sur les protocoles du notaire Mathieu PORTIER (1703-1753), qui habita Petit-Leez, M. J-M DEFENSE, archiviste passionné et chevronné,  nous trace un portrait explicite de la vie quotidienne de notre village. Il nous fait mieux connaître l’environnement historique, économique et social dans lequel vivaient les grand-leeziens en ce début du XVIIIe siècle
Avec la permission de l'auteur, voici quelques extraits choisis.

Le patronyme PORTIER ou LE PORTIER, également écrit sous sa forme wallonne PORTY, se rencontre dès le XVIIe s. dans le sud du Brabant Wallon.
Maximilien PORTIER, père de notre notaire et fondateur de la branche de Petit-Leez, est né vers 1655 (nous n’avons pas retrouvé son acte de baptême, mais un acte dressé par son fils en 1742 le dit âgé de 86 ans).
C’est probablement dès son mariage avec Marie DUMONT qu’il vient se fixer à Petit-Leez. De cette union 5 enfants sont nés : Hubert (1683), Jean François (1684), Jeanne (1686), Marie Jeanne (1689) et François (1692). Les registres paroissiaux de Grand-Leez contiennent également les baptêmes des Michel Augustin (1695), François (1700), Mathieu François (1703) et Catherine (1707), 4 enfants issus d’un second mariage avec Catherine HEYNE.
Environ 10 ans après son arrivée à Petit-Leez, Maximilien PORTIER achète à Jeanne LE DOB, épouse d’Amand DUPONT-le-jeusne « un héritage gisant à Petit-Leez, contenant environ 1 journal, sur lequel il y a une maison à demy tirée bas », pour la somme de 29 florins.
Les capitations (impôt par tête proportionnel à la situation sociale de l’individu taxé) établies pour l’année 1702, nous apprennent, qu’à cette date, il cultivait une demi-charue (+- 5 ha) et détenait 3 chevaux, 2 vaches et 1 aumaille. Il est parmi les 4 censiers de Petit-Leez, c’est-à-dire la classe dominante du village.
En 1725, Messire Hyacinthe DROUHOT, seigneur de Petit-Leez, lui cède en arrentement (location) pour 16 florins de rente, « une closière appelée le pâturage de l’Enseigne, où le dit Portier a présentement une bricterie et sur laquelle il s’oblige de construire une maison en pierres et briques, endéans 1 an. ». En 1731, nous le voyons prendre à ferme 5 autres bonniers de terre.
En 1734, Maximilien fera donation testamentaire à son fils François de ses meubles et des récoltes dont il se réserve l’usage sa vie durant. Le donataire devra « faire les obsèques du donateur et tenir sa vie durante, son frère Jean, imbécile d’esprit, à condition que ce dernier sera obligé de travailler et rendre peine pour le proffit et l’utilité de la maison. En cas que le dit Jean voudroit estre turbulent, François luy donnera 15 écus, une fois, et il devra s’en contenter. Le donataire pourra alors le faire sortie sans difficulté ».
Maximilien PORTIER est sans doute décédé en 1746. De 1724 jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, des membres de la famille PORTIER exercèrent la charge d’échevin de la Haute Cour de Petit-Leez, dont Maximilien, François, Simon et Norbert PORTIER.
Pendant plus de 250 ans, le patronyme subsistera dans le village. Les descendants de Maximilien continuèrent à occuper la fermette construite sur la propriété ancestrale qui existe encore aujourd’hui et a été longuement occupée par M.Me Jean-Claude CAVRENNE et Marie-Jeanne CRAVILLON.
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Sous l’Ancien Régime, la seigneurie hautaine de Petit-Leez relevait de la Cour féodale du Brabant. Elle n’était guère étendue et ne comprenait au XIVe s. que 50 bonniers de terre, 14 bonniers de bois, 4 bonniers de prairies et 4 de marais ou étangs. Le recensement effectué pour les capitations de 1702 y dénombre 13 foyers soumis à l’impôt. La présence d’un notaire dans ce petit bourg peut surprendre mais c’est méconnaître l’histoire de notariat dans les Pays-Bas et dans le Brabant précisément.


De manière générale, la profession de notaire n’était guère décorative à cette époque et les titulaires exerçaient souvent en supplément, une autre charge, celle de greffier ou procureur notamment.


Mathieu François PORTIER a été baptisé à Grand-Leez le 7 septembre 1703, en présence de ses parrain et marraine Mathieu François QUERTEMONT et Barbe Françoise HEYNE. Il était le troisième fils de Maximilien et de Marie HEYNE.

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Mathieu épousa le 9 novembre 1755 à Grand-Leez, Marie Barbe PARMENTIER qui lui donna 6 enfants, tous baptisés à Grand-Leez.

Il décéda le 1er avril 1753, peu avant son cinquantième anniversaire.


Le notaire PORTIER avait été admis par le Conseil de Brabant, le 13 juin 1735. De ses études nous ne savons rien. Vu les attaches familiales avec la région de Perwez, on peut supposer qu’il s’est formé en l’étude du notaire SOLAS Nicolas de Perwez, qui y officia de 1699 à 1744. Une Marie Joseph SOLAS est d’ailleurs marraine au baptême de sa fille aînée.

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Les Archives de l’Etat à Namur conservent les protocoles du notaire PORTIER de juin 1735 à août 1752. Décédé le 1er avril 1753, la maladie semble l’avoir empêché huit mois avant sa mort, de poursuivre ses fonctions. Le relevé des actes le prouve.


Au-delà de l’intérêt évident pour le généalogiste, le dépouillement des protocoles de ce notaire campagnard permet de mieux connaître les structures sociales et les mentalités du XVIIIe s. dans notre village et dans cette partie de la Hesbaye.


L’inventaire fait apparaître l’importance des actes de vente dont les « transports » (actes juridiques transférant un droit réel, c-à-d concernant un bien) et les « passées » (ventes publiques) de meubles, d’animaux, de bois, d’immeubles, …

Viennent ensuite les donations, les baux et les « engagères », les prêts et les testaments.

Notons le peu d’actes d’ « arrentement » dont plusieurs contiennent une clause d’obligation de construire une maison de valeur déterminée et qui servira d’hypothèque en garantie du paiement de la rente.

Enfin, il a été relevé quelques partages, échanges et déclarations diverses.


Le faible recours à la vente par arrentement montre la préférence des campagnards pour le paiement du capital plutôt que la rente, signe de méfiance et trait de caractère propre aux gens de la terre.



Quelques données anciennes :


Superficie :

1 bonnier = 4 journaux = 400 verges = 88,83 ares.

Le journal étant ‘ce que peut labourer un homme en une journée’.


Vocabulaire :

Engagère : concession d’une terre à partir d’argent. Le bénéficiaire jouissant des revenus de la terre engagée.

Arrentement : au lieu de payer le capital, l’acheteur paie une rente annuelle correspondant à l’intérêt de ce capital.

Ahannière : terrain labouré.

Cortil : jardin clôturé

Fief : territoire cédé par le suzerain à son vassal.


Monnaies :

On distinguait la monnaie de compte (ou de change, qui n’existait que sur papier) et la monnaie courante.

Monnaie de compte : 1 florin = 20 sous = 20 ou 24 deniers.

Monnaie courante : les pistoles, les patacons, les écus, les escalins, et d’autres.

1 écu = 48 sous = 8 escalins.

A savoir que, vers 1715, le salaire quotidien d’un ouvrier était en moyenne de 20 sous de compte.


Rappel historique :

Après les guerres de Louis XIV, nos provinces passent sous la domination de la maison d’Autriche en 1713.

Une période de paix et donc de prospérité débute alors pour se terminer en 1746 par une nouvelle invasion française.


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Suivent 376 actes notariés (entre 1735 et 1752)


et la table onomastique correspondante avec 800 personnes répertoriées.


...pour le détail,  nous vous invitons à consulter l'ouvrage
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Conclusions :


Au-delà de l’intérêt premier pour le généalogiste (800 personnes répertoriées, leurs professions, l’état de leur biens, les liens de parenté …), cet inventaire nous a permis de recueillir une quantité d’informations topographiques locales dont les noms des rues, les noms des lieux-dits, ou encore l’existence d’une servitude, la vicinalité d’un chemin, les limites d’un « sart ».


De nombreuses précisions nous sont généralement fournies sur les bâtiments telles que l’année de construction, la dénomination particulière pour les « censes » notamment (citons :

« A la croix de Bourgogne » et « Les Cincques Estoilles » à Thorembais-Saint-Trond, « L’Homme Sauvage » à Gembloux, « Le Douaire » à Aische-En-Refail, « Al Vigne » à Sauvenière, la maison « Chiroux » à Perwez, la cense de Repeumont à Sauvenière, la cense de Longpont, de l’Espinette, de la Converterie et de Légillon à Grand-Leez.


Une convention pour les travaux de plafonnage de l’église et une autre pour la reconstruction d’une maison à Grand-Leez, un état des frais de réparation du moulin d’Harlue ou le « reprisure » de celui de Grand-Leez, sont également d’un grand intérêt.


Non moins intéressants sont les actes comportant la vente d’une brasserie, l’emploi de houille pour le chauffage et surtout, les normes d’amendement pour les cultures avec les coûts afférents. Ces protocoles nous ont encore révélé l’existence et l’emplacement d’un « franc cabaret » et celui de la « chambre eschevinale » de Grand-Leez.


Au sujet du brassage et de la vente de bière ou « hougarde » à Grand-Leez, c’est avec curiosité que nous avons appris l’existence d’ « huisines volantes » (pareilles aux bouilleurs de cru ambulants). Nous retiendrons encore que le clerc-marguillier devait « mettre à la cloche » en signe de prise de sa nouvelle fonction. L’historien s’intéressera aux témoignages des habitants des Cinq Etoiles qui fournirent des rations aux troupes françaises le 1er août 1746.


Enfin, c’est avec émotion que nous avons lu le testament d’une servante qui laisse son « fer d’argent » à la vierge de l’église de Grand-Leez.


Autant de surprises agréables qui nous encouragent à poursuivre le dépouillement des archives de Grand-Leez et Petit-Leez.

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